Dernière mise à jour de cette page: 17-Sep-2017 13:57

Bien que situé sur le territoire de Noisy-le-Grand, il a conservé son ancienne dénomination de "Fort de Villiers" mais reste l'un des grands témoins des fortifications qui entourèrent Paris.

Nous vous proposons de nous accompagner dans la visite que nous y avons effectuée le 26 mai 2013.

La première ceinture des forts construits censée protéger la capitale de l'ennemi prussien n'a pas permis d'éviter la défaite de 1870.

En quelques semaines, les troupes de Bismarck déferlent sur Paris, les armées de l'Empire capitulent, Napoléon III est fait prisonnier, et l'armistice, signé en janvier 1871, aboutit à l'annexion de l'Alsace-Lorraine à l'Empire allemand. Le 21 mars 1874, le projet de la commission de l'armée est adopté à l'Assemblée Nationale par 386 voix contre 191.

La loi du 27 mars 1874 relative aux nouveaux forts à construire autour de Paris autorise le Premier Ministre, Adolphe Thiers, à ériger une "ceinture" fortifiée autour de Paris dans un projet global de fortifications dont la mise en œuvre est confiée au général Séré de Rivières, alors Directeur du Génie : "Pour cela on devra occuper, probablement entre Noisy-le-Grand et Villiers, une position formant tête de pont, et couvrant à la fois les débouchés des ponts de Bry, de Nogent, de Joinville et de Champigny. L'ouvrage construit sur ce point protègera de la manière la plus efficace les abords du fort de Nogent, et se reliera à la ligne Chelles-Vaujours".

60 000 000 francs de l'époque (un franc germinal = 1,50 euro environ en 2013) ont été consacrés aux travaux et aux acquisitions de terrains.

De 1874 à 1881, 18 forts, 34 batteries de défense et 5 redoutes ont été édifiés autour de Paris. La partie Est de cette défense était constituée du fort de Villiers aujourd'hui situé sur la commune de Noisy-le-Grand (1878-1880), du fort de Champigny (1878-1880) et du fort de Sucy (1879-1881). Un décret d'application du 31 décembre 1877 mit en œuvre les dispositions relatives à l'édification du fort de Villiers sur la commune de Noisy-le-Grand (à l'époque en Seine-et-Oise), désigné à l'origine "Tête de pont de la Marne".

Construit sur les hauteurs des berges de la Marne à 111 mètres d'altitude, l'ouvrage devait empêcher l'ennemi de s'y établir. Les travaux commencèrent en 1878 et furent achevés en 1880. Le plan de délimitation et de bornage de zone de servitudes et de polygone exceptionnel approuvé par le ministre de la guerre en date du 18 octobre 1882, fut arrêté et homologué par décret en date du 10 septembre 1883.

Le fort de Villiers aujourd'hui.

Propriété du Ministère de la Défense puis de l'établissement public EPAMARNE, celui-ci l'a cédé en juillet 2001 à la commune de Noisy-le-Grand. L'espace formé dans ses limites actuelles par le fort de Villiers couvre environ quatre hectares - 7 hectares à l'origine - en bordure de l'autoroute A4 sur la commune de Noisy-le-Grand, dans le quartier du Montfort, et en limite territoriale avec la commune de Villiers-sur-Marne, au sud de la Seine-Saint-Denis. Des associations sportives y ont été hébergées jusqu'en décembre 2007.

Depuis, son accès est interdit par arrêté municipal de péril, notamment à cause de l'état de la passerelle d'accès et des arbres morts ou instables depuis la tempête de 2000. Le fort de Villiers est un des témoins des fortifications de Paris et de l'histoire de la Troisième République, de Louis Adolphe Thiers, Président de la République et chef de l'exécutif de 1871 à 1873, à Patrice de Mac-Mahon, Président de la République de 1873-1879. Il est aussi un témoin de l'évolution de l'architecture militaire, la transition entre l'architecture bastionnée et l'architecture enterrée.

Source : Ministère de la Défense.

Ajoutons que la partie de la caserne dont l'ossature de façade est en béton (voir photos) est consécutive à une explosion accidentelle survenue en 1945.

Note sur quelques Associations qui furent hébergées puis sommées de quitter le fort :

- "Les Pigeons Voyageurs", société colombophile dont le Président est M. Antonio de Oliveira. Une video présente l'interview de l'ancien Président, M. Henriques. Sur la même page de You Tube on trouvera d'autres videos relatives au fort de Villiers.

- Le "Vapeur Club de France", club de passionnés de machines à vapeur de toutes sortes, mais surtout ferroviaires (il est vraisemblable que la voie posée dans le fort soit le fait de ces sympathiques fanas du rail car elle n'est pas d'origine).

- Le "Club de Tir Sportif de Noisy-le-Grand", qui fut créé en 1980, possède un site internet qui raconte sa relation avec le fort durant près de 30 ans !

Signalons aussi l'"Association de Sauvegarde du Fort de Villiers" qui reste malheureusement impuissante devant l'inertie de la municipalité.

À ce propos, signalons l'histoire de ces représentants du Ministère de la Culture travaillant à la D.R.A.C. Ile-de-France (Direction Régionale des Affaires Culturelles) qui essaient depuis plusieurs années de se rendre sur place pour examiner cet ensemble architectural : après de nombreux courriers et coups de fil auprès de divers services municipaux jamais concernés ("c'est pas moi, c'est l'autre"), il leur fut finalement répondu que la clé de la grille d'entrée du fort avait été égarée ! Quand on voit comment le fort a pu être squatté et saccagé durant des années sans que quiconque s'en inquiète et qu'on y entre parfois comme dans un moulin, l'histoire de la clé perdue est bien la preuve d'un mépris hautain envers notre Culture et notre Histoire.

 

Signalons que le 10 décembre 2013 la grille du fort était bien fermée, à l'aide d'une chaîne et d'un cadenas.

Si la clé de ce cadenas n'est pas perdue, les représentants du Ministère de la Culture pourront peut-être y pénétrer...

 

Le Général Séré de Rivières.

Séré de Rivières tient une place à part dans l'histoire de la fortification française, voire même européenne car nombre de ses solutions furent adoptées sur le continent. Successeur en droite ligne de Vauban, il comprend après la défaite de Sedan que les enceintes urbaines sont obsolètes face à la montée en puissance de l'Allemagne. S'inspirant directement de Montalembert, il met au point une défense et une stratégie qui sont une réelle rupture dans l'art de la guerre : empêcher l'ennemi d'enlever les villes et le canaliser vers les grandes plaines du bassin parisien ou l'armée le mettra en pièce. L'idée est assurément novatrice dans la décennie 1870 mais la montée en puissance de l'Allemagne comme la crise de l'obus-torpille dans la dernière décennie de ce siècle contraindra la France à chercher des solutions pour maintenir ses lignes de défense en état. Au moment où éclate la première guerre mondiale, le système était en passe d'être abandonné... Pourtant, la plupart des forts et batteries opposèrent une résistance farouche.

Malgré l'apparition, en 1859, de l'artillerie à canon rayé et, quelque temps après, des obus de forme cylindro-ogivale, les ingénieurs militaires du Second Empire restent fidèles au concept de la fortification bastionnée. Sous l'impulsion des jeunes chefs militaires de l'époque, et en particulier du lieutenant-colonel Séré de Rivières, commandant le Génie militaire, Napoléon III décide ainsi de combler les espaces interstitiels entre les citadelles par un "rideau défensif" constitué de "forts détachés". C'est à Metz, où il est affecté, que Séré de Rivières engage, en 1867, la construction de quatre "forts détachés" pour faire de cette place forte un vaste camp retranché que l'ennemi n'osera pas laisser sur ses arrières. Mais en 1870, ces forts détachés sont contournés par les armées prussiennes. Par une habile manœuvre d'encerclement, elles enferment l'armée du Maréchal Bazaine dans la place de Metz. L'armée de l'Empereur est quant à elle encerclée à Sedan. La défaite de 1871 oblige la toute jeune République à signer le traité de Francfort et à accepter l'annexion de l'Alsace et de la Moselle dans l'empire allemand. Sur plusieurs centaines de kilomètres, entre Longwy et Belfort, la barrière fortifiée conçue par Vauban est éventrée, la route vers Paris est grande ouverte. Nommé directeur du Génie au ministère de la Guerre, le général Séré de Rivières est convaincu qu'il faut absolument recréer une ligne de fortifications, le long de la nouvelle frontière entre la France et l'Allemagne. La loi du 17 juillet 1874 lui offre une enveloppe de 700 milliards de francs or pour la construction et l'armement de 166 forts, 43 petits ouvrages et plus de 250 batteries le long de la nouvelle frontière avec l'Allemagne, mais aussi dans les Alpes, face à l'Italie. Il entreprend donc aussitôt la construction de deux rideaux défensifs, le premier sur les côtes de la haute vallée de la Moselle, entre ÉPINAL et BELFORT, le second sur les côtes de la Meuse, entre TOUL et VERDUN, qui sont désormais les villes frontalières du Nord Est. Il renforce également la fortification des citadelles de Langres, Dijon et Besançon, de Longwy, Montmédy et Givet qui constituent alors des bases arrières pouvant stopper l'ennemi si celui-ci venait à tenter une percée par les trouées de Charmes sur la Moselle ou de Stenay sur la Meuse. Commencés en 1874, côté Épinal par les forts d'Uxegney, du Parmont et de Rupt, et côté Toul par les forts du Mont St Michel, d'Écrouves, de Dongermain et de Villey-le-Sec, les travaux se poursuivront durant onze ans, jusqu'en 1885. Victime d'intrigues, le général Séré de Rivières se retira en 1880, laissant derrière lui un système de fortifications cohérent et ambitieux, mais qui s'avèrera inefficace dès 1883, avec l'apparition de la mélinite, ce nouvel explosif qui donne à l'artillerie des capacités que Séré de Rivières n'avait pu imaginer.

 

La crise de « l'obus torpille »

 

En 1883, les chercheurs français mettent au point une nouvelle poudre explosive, la mélinite, qui permet de charger des obus et de les faire exploser soit sous l'effet du choc avec l'obstacle, soit au bout d'un temps réglable, avant ou après l'obstacle. Les expériences menées sur les forts de la région parisienne donnent des résultats accablants : les voûtes et les murs de pierre ne résistent pas à ce nouvel obus torpille. Il faut donc renforcer, par une croûte épaisse de béton, la plupart des forts Séré de Rivières, cacher les pièces d'artillerie en les plaçant, comme sur les navires de guerre, à l'intérieur de coupoles cuirassées et dans des tourelles à éclipse.

Sources : Ministère de la Défense.

 

Journées du Patrimoine 2017.

 

Après avoir fait effectuer quelques remises en état et sécurisations indispensables, la municipalité en place en 2017 a organisé un week-end portes ouvertes à tout public à l'occasion des Journées du Patrimoine des 16 et 17 septembre. Pour cette occasion, 2 grandes salles présentaient un historique des fortifications de la région parisienne et plus particulièrement à propos du Fort de Villiers. Les visites en groupe s'échelonnaient toutes les demi-heures et nous avons eu la chance d'effectuer la nôtre sous la conduite de Patrick Cotte, l'actif président de l'A.S.S.V. dont les explications ont captivé son auditoire.

Voici donc quelques images de cette instructive promenade.

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